Article rédigé par Diane Fernandez

Début Septembre. Pour les entreprises, c’est le signe d’une rentrée plutôt particulière qui se profile. Si la reprise économique de cet été semblait connaître une légère amélioration, beaucoup se demande ce qu’il adviendra de ce rebond lors de cette rentrée. Alors que certaines mesures, comme le port du masque obligatoire dans les entreprises, ont été annoncées, d’autres, comme le plan de relance économique de 100 milliards d’euros de l’État, tardent toujours. Face à tant d’incertitudes, comment les entreprises peuvent-elles préparer leur rentrée ? Sont-elles prêtes pour les mesures imposées ?

La rentrée mouvementée des entreprises

 

C’est lors d’une réunion entre la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Élisabeth Borne, le patronat et les syndicats, mardi 18 août, que l’annonce est tombée : le port du masque sera obligatoire au sein des entreprises, « dans des salles de réunion sans aération naturelle et dans des espaces de circulation ». Et ce, à compter du 1er septembre.

Le port du masque concernera donc tous les espaces clos des entreprises privées ou publiques, comme les open spaces, les vestiaires ou encore les couloirs de bureau. Seuls les bureaux individuels seront épargnés par cette mesure.

Ce protocole sanitaire est certes moins contraignant que celui du déconfinement qui obligeait, entre autres, à maintenir une distance de 4 mètres carrés par salarié, mais il n’en reste pas moins strict.

Bientôt consigné dans un protocole national de santé et de sécurité des travailleurs, le refus du port du masque en entreprise pourra être considéré comme une faute professionnelle. « Si jamais le salarié refuse de mettre le masque, d’abord, l’employeur lui fera les remarques, il pourra lui donner un avertissement et ça pourra être considéré comme une faute », a annoncé Alain Griset, ministre délégué aux PME sur BFM-TV le 19 août.

Le télétravail est, de plus, fortement recommandé, tout particulièrement dans les zones où le virus circule encore activement, comme en Ile-de-France.

Des chiffres qui affolent

 

Cette annonce se fait dans un contexte où la situation sanitaire sur le sol français devient de plus en plus alarmante. Alors que les nouvelles contaminations semblaient rester à un faible niveau au début de l’été, elles ont connu une forte augmentation fin août.

Selon les chiffres de Santé Publique France, le 22 août, un total de 3602 nouvelles contaminations et 38 nouveaux clusters ont été observé en 24h, de chiffres qui ne cessent d’augmenter de jour en jour.

Mais il s’agit surtout d’une analyse publiée par Santé Publique France, le 12 août qui pose problème aux entreprises. Réalisée entre le 9 mai et le 12 août, cette dernière démontre que 189 clusters, soit environ un quart des clusters du territoire français se trouvaient en milieu professionnel. Les régions françaises avec le plus de clusters professionnels étaient l’Ile de France avec 23%, suivi de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (13%). Le secteur de l’administration publique semblait être le plus touché avec 29% des cas de clusters en milieu professionnel.

Malgré ces chiffres peu rassurants, de nombreuses voix se sont élevées pour atténuer la situation. C’est ainsi le cas de François Asselin, président de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME) et de son homologue, Laurent Munerot, président de l’U2P, la Confédération des Entreprises de Proximité. Pour François Asselin, « le gouvernement marche sur des œufs. D’un côté il doit communiquer, de l’autre il ne faut pas gripper la machine ».

Et pour cause ; la reprise économique semblait donner des signes encourageants. Selon les chiffres de la Banque de France, il y avait seulement -7% de perte en juillet, 2% de moins que les pertes du mois de juin. Un progrès qui pourrait se trouver menacer par ce nouveau protocole sanitaire que certains, comme le Medef, juge trop strict : « A trop rigidifier, on risque de réactiver les inquiétudes des salariés à l’idée de revenir sur leurs lieux de travail ».

 Cette idée se confirme selon Jean Pisani-Ferry, professeur d’économie à Sciences Po. Ce dernier a déclaré dans un entretien pour le journal Les Échos que, en raison des consignes sanitaires, « environ 15% des entreprises estiment que leur productivité va baisser de plus de 10% ».

Un nouveau débat qui fait surface entre syndicats et patronat :

 

Cette annonce exacerbe aussi de nouvelles tensions entre syndicats et patronat. Car si le port du masque devient obligatoire au sein des entreprises, certains détails s’avèrent plus complexes à gérer une fois sur le terrain.

C’est notamment le cas pour le coût des masques. Pour le gouvernement, le coût du masque sera à la charge de l’employeur. Selon Élisabeth Borne, dans un entretien pour le Journal du Dimanche, « c’est aux entreprises d’assurer la sécurité et la santé au travail. Certes, cela alourdit leurs charges. Mais c’est de leur responsabilité. »

Le coût des masques sera donc à nouveau une contrainte pour les entreprises, qui peuvent voir leurs charges devenir de plus en plus importantes alors même qu’elles peinent à retrouver leurs activités d’avant-confinement.

Mais c’est aussi de nouvelles questions qui sont mises en avant, comme celle de la qualité des masques que les employeurs mettront à disposition. En effet, pour Fabrice Angéi de la Confédération générale du Travail (CGT), les masques devront pouvoir être contrôlés et fiables, pour garantir un retour au travail en toute sécurité.

De plus, une nouvelle organisation du travail est nécessaire. Cela passe notamment par le retour du télétravail. De nombreux syndicats attendent ainsi de nouvelles renégociations de l’accord interprofessionnel avec le patronat. Cela permettra de mieux fixer les règles et de faire du télétravail un nouvel aspect essentiel dans l’organisation d’une entreprise.

La rentrée 2020 approchant, les entreprises commencent à prendre conscience de l’impact du Covid-19 sur leur façon de travailler. Les normes devront donc être différentes et l’espace de travail réinventé afin d’allier productivité économique et sécurité sanitaire. Ce début de septembre s’annonce donc complexe pour les entreprises qui vont devoir gérer les nouvelles mesures sanitaires ainsi que les tensions que ces dernières peuvent provoquer avec les syndicats.

 

Sources : Les Échos, le Journal du Dimanche, Le Monde, Santé Publique France.