Cet été, l’escalade progressive des tensions entre les Etats-Unis et la Chine appelait à la prudence, tant sur les marchés financiers que dans le monde entrepreneurial. Une éventuelle guerre économique entre les deux pays menaçait d’éclater et de mettre en danger l’économie mondiale. C’est maintenant une réalité. Dans les derniers mois, la présidence américaine a levé des taxes d’imports de 25% sur un équivalent de 50 milliards de dollars en produits Chinois, et de 10% sur 200 milliards de dollars. Au total, des imports d’un montant de 517 milliards de dollars sont menacés par une taxe de 25% si aucune concession n’est faite par la Chine. Cette dernière a pour l’instant répliqué avec ses propres taxes sur un montant de 60 milliards de dollars en produits américains, et en vendant de la dette américaine.

« L’Ennemi »

La Guerre Commerciale de Trump a démarré en Mars, avec l’annonce de la mise en place d’une taxe de 25% sur les imports d’acier et de 10% sur l’aluminium. Trump ayant basé sa campagne sur le slogan « Make America Great Again », montrer que le dernier ennemi en date des Etats-Unis ne lui fait pas peur est primordial. En fait, c’est par le terme de « Villain » (en anglais, le méchant de l’histoire), que la firme Américaine Century Aluminum Co., désigne la Chine. Il faut dire qu’au cours des 25 dernières années, ce pays est passé d’une part presque inexistante du marché de l’aluminium, à une production équivalente à près de la moitié de l’aluminium mondial. Cette montée en puissance a notamment été aidée par les emprunts très abordables garantis par le gouvernement et les subventions sur l’électricité. Ces pratiques sont par ailleurs restreintes par l’Organisation Mondiale du Commerce. Et le secteur du métal n’a pas été le seul à pouvoir se développer de cette façon. En quelques années, la Chine est devenue le partenaire commercial principal des Etats-Unis, exportant dans le pays plus de 500 milliards de dollars. Cependant, elle n’importe que 130 milliards de dollars de produits américains en retour, ce qui crée un déficit de 375 milliards de dollars.

La décision d’une attaque sur les imports d’aluminium n’est donc pas surprenante en soit et se préparait depuis un moment. A son époque, l’ancien Président Barack Obama s’était déjà plaint de la situation auprès de l’OMC. De plus, d’après Bloomberg News, le négociateur en chef de Trump, Robert Lighthizer, a passé plusieurs années à élaborer une guerre contre Beijing.

Ce qui est plutôt surprenant est davantage le fait que Trump ait trouvé un moyen de circonvenir les réglementations de l’OMC. Comment l’a-t-il fait ? C’est en fait une provision très peu connue qui lui a permis de lancer l’offensive.

Section 232

La Section 232 du « Trade Expansion Act » de 1962 autorise le président Américain à restreindre les imports lorsque la sécurité nationale est en jeu. A l’origine, cette provision a été écrite pour les périodes de guerre. Les derniers usages qui en ont été fait correspondent d’ailleurs aux embargos sur le pétrole en 1979 en Iran et en 1982 en Libye. Trump n’aurait donc pas pu l’utiliser sans une enquête préalable de l’administration prouvant que la sécurité nationale est bien menacée. Et donc, en Avril 2017, le Président américain a annoncé une enquête sur les imports d’aluminium et d’acier et les implications pour le secteur de l’armée. Différents entretiens ont été menés pour chercher à savoir si les imports pouvaient dans le futur entraîner les fonderies américaines à faire faillite, et donc mettre en danger le stock d’aluminium de qualité militaire.

Le résultat de l’enquête a approuvé hypothèse, et a par conséquent permis à Trump de taxer d’avantage l’importation de ces métaux. D’après Bloomberg News, plusieurs entités comme des corporations, des entreprises d’aluminium et des représentants militaires américains ont déploré une décision prise sans aucune considération pour des témoignages ou autres éléments clés de l’enquête. Comme le fait que le stock d’aluminium militaire n’aurait jamais été en danger… Jorge Vazquez, fondateur d’Harbor Aluminium, a assisté l’investigation. Il a déclaré à Bloomberg News que le résultat n’est pas rationnel. D’après lui, le groupe « Aluminum Association », le « Council of Extruders », les consommateurs, des experts indépendants, le DOD et même les conseillers économiques du Président étaient tous contre l’utilisation de la Section 232. Seul Century a été écouté.

Qui paie les taxes ?

Les choses paraissent relativement calmes au niveau macroéconomique, mais à l’échelle des individus, des citoyens et entreprises subissent les conséquences de la guerre économique. Principalement aux Etats-Unis mais également en Chine. Les taxes sur l’importation d’acier et d’aluminium n’ont pas été sans conséquence. Plus de 85% de l’aluminium utilisé par les entreprises Américaines a été importé. Du coup, les nouvelles taxes leur ont coutées plus de 620 millions de dollars. L’idée de départ était de sauver les fonderies à faible marge, comme Century Aluminum Co., en difficulté face aux producteurs étrangers bénéficiant de ressources moins couteuses. Cependant, les coopératives américaines sont maintenant inquiètes de voir les segments plus profitables du secteur souffrir de la montée des prix. D’après eux, l’initiative de Trump pourrait bien entraîner plus de destructions que de créations de postes.

En fait, les producteurs américains ne sont pas les seuls à souffrir des retombées de la guerre économique. Une étude de Deutsche Bank montre que la moitié des produits Chinois concernés par les nouvelles taxes (donc un équivalent de 100 milliards de dollars) correspondent à des secteurs sur lesquels la Chine a une position dominante. En d’autres termes, les consommateurs américains ne peuvent pas se rabattre sur des produits moins chers venant d’ailleurs. De plus, sur la totalité des imports Chinois que Trump menace de taxer à 25%, ce sont 80% des produits qui correspondent à une position dominante de la Chine. C’est donc le consommateur américain qui risque le plus de souffrir de la guerre économique.

Pour Hank Paulson, cette guerre n’avantage personne. Chacun se concentre sur les effets à court terme, mais les effets à long terme sont bien plus importants. Pour lui, les entreprises étrangères entrent en relations commerciales avec les Etats-Unis principalement pour la stabilité et la fiabilité de leurs politiques économiques. A cause des taxes et de l’incertitude qu’elles créent, les firmes étrangères risquent de se tourner vers d’autres marchés. De même, les investisseurs rechignent à tenter leur chance au milieu de la guerre commerciale.

Mais les conséquences ne s’arrêtent pas aux états américains. Une montée des prix aux Etats-Unis, la spéculation sur la possibilité de nouvelles taxes et les représailles éventuelles de la Chine (qui, ne l’oublions pas, possède toujours près de 1000 milliard de dollars de dette américaine), créent une incertitude importante qui risque de se propager à l’international.

Sources
Bloomberg News (éditions papier et web)

Les Echos (édition web)